MEMORY II
"14-18"

« 14-18 – La Grande Guerre »
( Blind Memory II )

Avant-Propos

On l'a appelée la « Grande Guerre », ce premier conflit mondial du XX e siècle, tant il est vrai que tous les superlatifs peinaient à le décrire, une avalanche de chiffres et de faits qui donnent le vertige, des torrents de sang, de merde et de boue qui ensevelirent les cris, les larmes, les hommes et leurs machines à tuer, à gazer, à mutiler... Ces machines qui nous propulseront dans la modernité. Comme si sans notre génie destructeur ne pouvait jaillir progrès et émancipation.

La Grande Guerre... Quelle « grandeur » pouvait éclore « dans cet emballement aveuglément meurtrier d'une Europe sombrant dans la guerre sans fin des Nations et des Civilisations jusqu'à la barbarie finale du Crime contre l'Humanité » ? comme l'écrivait, Edwy Plenel. Car s'il est un fait avéré, c'est bien que l'inique Traité de Versailles qui clôtura cette première déflagration mondiale portait en lui le germe du nationalisme allemand qui nous fit de nouveau basculer en moins de deux décennies dans le chaos et la guerre, et qui accouchera de l'indicible...

On sait aujourd'hui le prix humain qu'il a fallut payer pour mettre un terme à l'ignominie nazie. Le premier volet de cette Trilogie, « Blind Memory, des Objets de Mémoire » l'illustrait.*

Dans ce nouveau volet des « Blind Memories » j'ai voulu retourner aux racines du mal, là, donc, où les premières lignes de l'histoire du XX e Siècle ont été esquissées. Parcourir les champs de batailles de « la der des der », toucher du regard les cicatrices de ces terres meurtries, écouter les cris silencieux des millions d'hommes enfouis là... 9 millions, une génération sacrifiée, des familles pulvérisées, 6 millions d'orphelins..
Je suis un homme d'images. Et comme de bien entendu, tout est parti d'une image, de deux, pour être précis. Deux vieilles photos sur le buffet familial . Des hommes, dans la force de l'âge, mes arrière-grands-pères... « Tombés au Champ d'honneur » comme on dit. En 15... Là bas, dans la Marne et en Argonne.
Alors c'est également pour eux que j'ai initié cette série.
Retourner sur leurs traces, leur rendre hommage, témoigner, à ma façon de photographe, de qui ils étaient, de ce qu'ils ont vécu, souffert, eux et leurs millions de frères d'arme.
Parce que la guerre ce n'est pas que des résumés dans des livres d'histoire, pas seulement ces chiffres qui se chevauchent, se mélangent, ces dates qui se superposent, se télescopent, non, la guerre, c'est d'abord et avant tout des hommes, de la peur et du courage, du sang et des larmes et puis... la mort, le vide, l'absence...

«Il n'y a pas de héros (…) dans cette lamentable aventure collective qu'est la guerre. Rien qu'un gigantesque cri d'agonie » (Jacques Tardi)


A la mémoire d'Ernest Sébert et Henri Fichot, mes arrière-grands-pères.

*_Blind Memory, des Objets de Mémoire – Textes de Sylvain Lavelle – Photographies de Bruno Mercier – Editions Magellan&Cie, Paris, 2014

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